Plans take shape (link)

w/  @Link Belcher

Il s'est écoulé trois, peut-être quatre semaines depuis leur dernière rencontre, mais le souvenir de cette soirée persiste en elle comme une mélodie inachevée, un refrain qui refuse de se taire. Les yeux de Link, profonds et captivants, continuent de la fixer dans l'obscurité de ses pensées, tandis que l'odeur immuable de sa présence flotte dans l'air, éveillant en elle une nostalgie envoûtante. Les lèvres de Link, au goût enivrant de promesses non tenues, hantent ses pensées quotidiennes, créant une toile complexe de souvenirs qu'elle ne peut dissoudre. Chaque jour, elle se retrouve plongée dans les méandres de ses pensées, capturée par l'emprise de Link sur son esprit. Il est devenu une énigme indéchiffrable, suscitant en elle une palette d'émotions trop vaste pour une âme solitaire. Bonnes et mauvaises, ces émotions se mêlent dans le tumulte de son être, créant une tempête intérieure qu'elle peine à apaiser. Link est devenu cette force insaisissable, la tache sombre sur le tableau de sa vie qu'elle s'efforce désespérément de garder brillant et éclatant.

Pourtant, malgré son tumulte émotionnel, il y a quelque chose d'irrésistible dans la manière dont Link a exprimé le désir de prendre ses responsabilités envers la paternité. Ses tentatives de reprise de contact avec Gia sont restées sans réponse jusqu'à présent, mais c'est une altercation avec son frère, Rico, qui a finalement poussé Gia à envoyer un message à Link. Rico, avec véhémence, dénigre Link comme une sombre incompétence incapable d'assumer ses responsabilités, mais contre toute attente, Gia semble prête à lui prouver le contraire.''Ta gueule, Rico. Si tu veux tout savoir, il vient voir Fiona aujourd'hui" a-t-elle répondu, une réplique chargée d'une détermination surprenante. C'est une manœuvre pour contredire Rico, même au prix du mensonge, une stratégie risquée pour défendre l'image de Link devant sa fille. Puis, la seconde d'après, un message part vers celui qui n'a pas encore trouvé sa place dans son répertoire et qui à un simple numéro pour référencement. ''Rendez-vous chez moi, après l'école, aujourd'hui'' un ordre, plus qu'une invitation délicieuse.

Une certaine instabilité a plané dans l'air toute la matinée, avant de recevoir tardivement un message de Link, indiquant qu'il serait là. Un soulagement teinté d'une boule grandissante dans le ventre. Elle n'est plus certaine d'avoir pris la bonne décision. Pire encore, elle a menti à Fiona, lui disant qu'un ami de maman viendrait prendre un verre cet après-midi. Comme d'habitude, Fiona, préadolescente de douze ans, aimait bien rester avec les amis de Gia pour boire sa grenadine et paraître plus grande. Aujourd'hui, plus que tout, elle attendait la venue de sa fille de l'école avec impatience, inconsciente du dilemme qui tourmentait sa mère. La sonnette retentit, faisant disparaître l'état de stress pour laisser place à une anxiété plus profonde. Link a de l'avance, il est là, même avant que Fiona n'arrive. Se retrouver seule, face à Link, semble lui causer une angoisse indéfinissable pour la première fois de sa vie. Lorsqu'elle ouvre la porte, elle le retrouve après ces quelques semaines sans sa présence. "Si tu pues la weed, tu dégages" l'accueil est à l'image de Gia, foudroyant. "Maman ne fume pas et ne traîne pas avec des drogués" une phrase improbable qui lui tire un sourire. Le nombre de vérités cachées aux enfants est édifiant. Il arrive à Gia de fumer parfois de l'herbe, et certainement que Link n'a pas abandonné cette habitude non plus, mais aux yeux de Fiona, Gia demeure la mère parfaite.

w/  @Gia Moretti

En un mois, tant de choses ont déjà changé. D’un chatoyant camaïeu de fauve, d’ocre et d’écarlate, la ville qui ne dort jamais s’est parée de teintes plus froides, aussi froides que les températures qui ne cessent de dégringoler depuis que New York a revêtu son lourd manteau d’hiver, brodé des fils argentés d’un mercure flirtant avec le négatif et des flocons immaculés qui tapissent déjà ses rues.
En un mois, Link aussi s’est paré de quelques fils argentés, disséminés çà et là dans l’ébène de sa chevelure, et ce à bien des égards ; en l’espace de quelques semaines seulement, il avait appris être père, avait renoué avec Gia, l’avait même revue – et quel souvenir impérissable en gardait-il !
Le noir violacé qui avait fardé sa paupière et son arcade avait mis plusieurs jours à disparaître, maquillage presqu’indélébile, comme le souvenir du cuisant cassage de gueule dont il avait été l’innocente victime. Pourtant, d’innocent, Link n’en n’a pas la moindre bribe, encore moins lorsqu’il avait reçu ce message de Gia, le message, celui qu’il espérait tant secrètement recevoir ; venir rencontrer Fiona, enfin.
Outre le sentiment de vide que sa dernière entrevue avec la belle Moretti lui a laissé, vide insatiable dont le toucher de sa peau et le feu de ses mots polluent quotidiennement la moindre de ses pensées, la perspective de rencontrer pour la toute première fois ce tout petit bout de lui l’avait englouti dans un tourbillon d’émotions folles et contradictoires. L’assaille, depuis ce simple texto, une excitation absurde, diluée dans une bonne dose d’appréhension et de doute. Pas sur le fait que Gia ait pu lui mentir ; le mensonge, ils ont ça dans le sang, se sont menti souvent, mais jamais sur les sentiments qui les aimantaient l’un à l’autre, jamais sur le fruit de ce que cette passion aurait pu produire. Le doute qui l’habite, c’est le même qui depuis toujours le poursuit de son oppressante présence ; savoir s’il sera à la hauteur ou non. Ou bien légitime, tout simplement ?
Pauvre Belcher, toujours à se poser autant de questions, la trentaine bien entamée pourtant. Triste constat même, que d’avoir dû chercher sur internet à quelle heure l’école était censée finir. À ce rythme, il finirait bien par commander sur le net le guide du papa débutant pour les nuls.
Pourtant, gauche et maladroit, c’est avec un peu d’avance qu’il se tient sur le seuil de l’appartement de son ex, non sans avoir pensé au préalable d’acheter une brique de jus d’orange pour la gosse, et un pack de six pour sa mère et lui – les vieilles habitudes ont la dent dure, reste encore du travail à faire. Aussi surprenant que cela puisse être, sa belle assurance coutumière en a pris un coup, et il a presque les mains moites. Presque. Car lorsque Gia lui ouvre sa porte et l’accueil de sa douceur et distinction légendaires, un sourire caustique lui revient aux lèvres, le détend instantanément. « Et maman est toujours aussi charmante à ce que je vois. » L’ironie suinte dans sa voix, pourtant ses yeux la dévorent, languis de leur dernière rencontre au salon, pitre rendu pantin entre ses griffes de velours, même si l'appeler « maman » le plonge dans une perplexité totale. « J’suis clean. J’peux rentrer, M’sieur l’agent ? Ou tu veux me faire un dépistage antidrogue ? Ou une fouille au corps, j’suis pas contre non plus… » Son sourire goguenard, impertinent, s’agrandit plus encore quand il la sent bouillir mais finalement elle s’efface et le laisse entrer. Posant ses achats sur la table dans la cuisine, Link abandonne également son manteau couvert de neige fondue sur le dossier d’une chaise, observe à la ronde, curieux de découvrir l’intérieur de Gia et Fiona, comme si ça pouvait lui en apprendre plus sur qui elles sont, qui son ex est devenue. C’est cosy et éclectique, mais ce qui le frappe surtout, c’est l’absence de l’objet de sa visite. « Fiona n’est pas là ? »

w/  @Link Belcher

Dans l'attente fébrile d'une réponse à son message, elle doute, oscillant entre espoir et appréhension. Même si le silence devait prévaloir, elle comprend Link suffisamment bien pour mesurer l'importance qu'il accorde à rencontrer Fiona. Prêt à braver vents contraires et imprévus, même un vol de dernière minute s'il n'est pas à New-York, il serait là. Son arrivée suscite en elle un mélange de stress, exacerbé par la neige qui drape l'extérieur. La ville qui ne dort jamais s'habille d'un manteau blanc, et même les informations télévisées font les gros titres d'une soirée hivernale cruciale, déconseillant toute sortie. Consciente des artifices médiatiques, elle éteint la télévision pour se consacrer à l'accueil de son hôte. Sa fougue légendaire s'exprime, sans accolades ni baisers, cette fois. Elle ne peut nier le désir latent de retrouver ces étreintes, mais ce n'est pas le moment. Un sourire illumine son visage lorsque Link détend l'atmosphère après avoir franchi la porte. "Ne confonds pas les rêves avec la réalité, Link" plaisante-t-elle, excluant toute fouille intrusive.

Le manteau noir se délie, la neige fond sur les épaules et les cheveux gominés. Du jus d'orange et leurs bières préférées trouvent leur place sur la table du salon, geste pour lequel elle lui adresse un simple hochement de tête. Il a même pensé à sa fille. "Père modèle", murmure-t-elle en tenant le jus d'orange entre ses mains. Un moment chaleureux avant que link ne s'interroge, la seconde d'après marque l'arrivée de Fiona. Gia ouvre l'accès au portail après un coup d'œil à l'écran, commentant avec un sourire "Elle oublie toujours ses clés, comme son père" Quelques instants à peine, la petite dévale les escaliers pour venir à la rencontre de son paternel dont elle ignore encore la nature. "Salut !!! Maman m'a dit qu'elle invitait son meilleur ami qui était en voyage et qu'elle n'a pas vu depuis longtemps et qu'elle adore", s'exclame Fiona, toute excitée à l'idée de rencontrer Link. Gia lève les yeux au ciel, sincère avec sa fille mais réservée sur l'ampleur de cet amour. Un sourire complice échange de regards entre mère et fille, bien que Gia espérait que le sentiment d'adoration reste leur petit secret.

"Je t'ai fait un dessin, tu vois là, c'est toi dans un avion" annonce la jeune artiste, délaissant chaussures et manteau. Les cheveux humides de la fonte de la neige, un sourire espiègle, elle tend le dessin à Link. Gia, en train de ranger les affaires de sa fille, observe la scène avec une pointe de nostalgie. "C'était bien l'école aujourd'hui, ma puce?" s'enquiert-elle. Les trois réunis dans la même pièce, un sentiment mêlé de bonheur et de tristesse s'installe. Douze ans manqués pour Link, douze ans cachés pour Fiona, et un lourd secret que Gia porte toujours. Jusqu'à quand ?