luxe, calme et volupté @Roem Baker Un livre ancien tenu aux bouts des doigts sur lesquels les prunelles de jais se déplacent tandis que le corps divague entre les allées tumultueuses de Brooklyn. Un air presque décousu comme si une force abstraite lui inculque la direction à prendre sans qu'elle ne doive s'en préoccuper. Un peu désinvolte, la silhouette longiligne qui passe au travers des foules sans s'inquiéter d'être bousculée. Comme suspendue dans une timeline lente, lointaine de l'effervescence pressée du monde qui l'entoure. Calme olympien qui se transmet dans la finesse de ses gestes. Jusqu'au moment où elle s'arrête, Joan, devant la vitrine d'une petite boutique-là, cacher derrière la foule qui s'amasse sur le trottoir. Comme la pie, le brillant attire l'œil de l'artiste. Un instant, elle reste là. Immobile. Quittant la lecture des
Fleurs du mal, version intégrale dans la langue de Molière, pour se concentrer sur les objets merveilleux qui peuplent cette devanture. Une respiration, elle remonte vaguement ses braids dans un demi-chignon mal agencé puis pousse la porte d'entrée à laquelle résonne une clochette. La brune divague, tourne dans les couloirs. S'arrête sur une lampe vitrail aux teintes orangées. Se demande si elle ne rendrait pas bien dans l'entrée de son appartement — qui, entre nous, est déjà fort encombré d'objet en tout genre. Puis elle laisse son esprit voguer ailleurs. Il y a des livres anciens, des ouvrages qu'un libraire pourrait s'arracher, des marbres, des tableaux, d'anciennes horloges de cheminées (mais Joan déteste le tic-tac des horloges), des suspensions toutes plus incroyables les unes que les autres qui attirent les prunelles de l'artiste, qui accapare son attention si bien qu'elle vient taper le bas de sa hanche contre un meuble posé là, devant elle et qu'elle n'avait, jusqu'alors pas remarqué tant son regard s'était fixé en hauteur.
Le regard retombe, s'absente contre les lignes travaillées du bois qui se présente désormais devant-elle. Joan observe, silencieuse. Inspecte la moindre nervure. Le moindre nœud qui se laisse entrevoir à l'œil habile de l'observatrice. Puis, d'un coup, fait volte-face, remonte l'allée pleine de bibelots éclatants et du bout des doigts récupère la lampe précédemment remarquée. Retour à l'inverse, cette fois-ci plus rapidement encore que la seconde fois. Sans laisser les objets qui bordent le chemin tirer son attention. Puis, d'un geste délicat, qui rompt avec la rapidité de sa course, dépose la lampe dans un coin du meuble. Et elle reste là. Silencieuse, à observer. Arque un sourcil tandis qu'elle fait se balancer ses prunelles dans l'ensemble de la boutique. Dépose son sac et son livre au coin du meuble et part à la recherche d'une nouvelle pièce pour compléter l'ensemble. S'arrête à plusieurs reprises. Déambule entre les allées puis s'arrête une première fois pour tirer d'un autre meuble un vide-poche en émail d'un bleu-vert clair aux fleurs mordorées puis un peu plus loin, pour tirer un vase dont les teintes s'écaillent du rouge à l'orange. Visiblement, cela lui suffit, car la brune fait demi-tour, retourne auprès de son meuble et agence de nouveau les objets sur ce dernier. Un sourire s'esquisse sur son visage tandis qu'elle reste là, immobile encore un instant avant de relever le regard pour recherche, cette fois, une personne capable de la renseigner sur ces objets qui, elle le sait, iront parfaitement dans son salon — qui comme le reste de son appartement ne manque pas de meuble, mais, que voulez-vous, Joan est de ces personnes qui vivent dans ces lieux qui donnent l'impression de rentrer dans l'antre d'une aventurière qui revient toujours avec des souvenirs de ses quêtes.
Finalement, elle déniche quelqu'un qui semble tout à fait à même de lui répondre d'en juger le tablier encore légèrement couvert de pelure de bois et de vernis. La brune s'approche, l'observe un instant puis l'interpelle
« bonjour », qu'elle lance suivit d'un sourire plutôt chaleureux avant de reprendre
« j'ai vu l'un de vos meubles là-bas et je dois dire qu'il irait parfaitement dans mon appartement alors je n'aimerais pas passer à côté d'une pépite de ce genre et des objets que j'ai disposés dessus et qui eux aussi iront parfaitement dans mon décor comment puis-je faire pour le réserver ? Je n'ai pas de véhicule faites-vous des livraisons à domicile ? Pas d'inquiétude j'ai un ascenseur bien que je ne sois pas certaine qu'il soit assez grand mais pour ce qui est des détails techniques de transports je suppose que vous serez plus amène que moi d'en juger », elle avait dit tout cela sans sourciller, sans même reprendre son souffle au milieu de ses phrases à rallonges et, sans doute, en parlant bien trop rapidement pour son interlocuteur. Aussi, est-ce le problème avec Joan, qui à tendance à s'emballer quand quelque chose lui plaît. Quitte se retrouver un peu bête par la suite. Inspirant un instant, elle reprend presque aussitôt
« désolé, bonjour, je me suis emballée, je crois » dit-elle en haussant une épaule tout en remontant ses prunelles contre le visage de l'homme — qu'elle connaît plus qu'elle ne le croit mais laissons l'embarras pour plus tard.